En marche avec des conflits et vers la réconciliation

Lumière et espoir dans les ténèbres

Aujourd’hui, la sécurité mondiale est menacée par les conflits internationaux, intertribaux et même interreligieux. Quelquefois les forces de sécurité entrent en conflit avec les personnes qu’elles sont censées protéger. Le terrorisme a crée un climat d’insécurité au niveau international. Les nations sont déchirées par les guerres – comme en Ukraine, en Syrie ou au Yémen. Les mouvements politico-religieux tels qu’Al-Qaïda, État islamique et Boko-Haram font couler le sang au nom de la religion. Les opinions et les philosophies divisent les gens et créent des tensions.

Les conflits minent la cellule de base – la famille – de la société. Ils causent des divorces et envoient les enfants à la rue. Ils font des ennemis des membres d’une même famille, ils dissolvent les entreprises et renvoient le personnel au chômage.

Depuis ses débuts, l’Église n’a pas non plus été épargnée par les conflits tant au niveau interne qu’externe. Au niveau externe, elle a été, et est encore, victime de persécutions. Au niveau interne, elle doit constamment faire face à des controverses et des conflits de hiérarchie. À titre d’exemple, les anabaptistes ont quitté le mouvement de la Réforme protestante au XVIe siècle, suite à un conflit.

Malgré l’apparence de paix qu’il offre, notre monde est dominé par les conflits. Comment aujourd’hui, l’Église en général, et les chrétiens en particulier, peuvent-ils marcher vers la réconciliation dans ce monde conflictuel ? Nous est-il possible de promouvoir la réconciliation dans un monde où le conflit gagne toujours du terrain ?

Analyse de 1 Samuel 25:1-35

Le récit de 1 Samuel 25:1-35 est un modèle d’une ‘marche avec des conflits et vers la réconciliation’. Son analyse nous permet de dégager des implications pratiques qui aident à cerner la pensée de Dieu concernant les conflits et la réconciliation.

En marche avec des conflits (v 1-13)

Dans ce récit (v 2-13) nous rencontrons Nabal, Abigaïl, David et ses messagers. Leur rencontre les conduit vers une opposition qui se transforme en conflit. 

Nabal est un homme très riche dépourvu de valeurs et sans caractère, dur et méchant (v 2-3), en d’autres termes, dépourvu de bonté et d’humanité.

David ayant appris que cet homme tondait ses brebis, il avait envoyé ses collaborateurs solliciter son aide parce qu’ils étaient dans le besoin. C’était un moment opportun pour David car la tonte des brebis est pour les juifs un jour de joie et de festivités où l’hospitalité s’exerce particulièrement.

Dans son message à Nabal, David fait preuve de gentillesse, de douceur et d’humilité. Militairement, il est au-dessus de Nabal, mais David adopte un mode pacifique en faisant appel à sa gratitude. Il rappelle  à Nabal que ses troupes ont protégé son bétail dans le désert.

Malgré les efforts de David, qui a une attitude pacifique, Nabal répond à sa douceur par la dureté, à sa courtoisie par le mépris, à sa confiance par le dédain et la haine (v 10, 11). La méchanceté de Nabal face à la douceur de David engendre le conflit (v 13) parce que David est alors emporté par la colère et décide de faire payer à Nabal sa violence par la violence.

Il ressort de ces 13 premiers versets que l’opposition des mentalités et des caractères, l’égoïsme et la transmission des informations sont des facteurs de conflits :  

  • La dureté et la méchanceté de Nabal s’opposent à la bonne foi et à la culture de paix de David (v 6-8) et incitent les deux parties à marcher vers le conflit.
  • L’égoïsme de Nabal le conduit non seulement à refuser de partager ce qu’il possède avec ceux qui se trouvent dans le besoin, mais aussi de refuse de reconnaître  et de remercier ceux ont contribué à la protection de ses biens. Cela suscite la colère de David qui décide de corriger ce dernier en utilisant la violence.
  • Le contact entre David et Nabal est assuré par des messagers qui jouent aussi un rôle actif dans ce conflit. La transmission des informations contribue à l’éclatement du conflit.

Les facteurs d’aggravation du conflit dans ce passage sont d’actualité. Comment l’Église peut-elle promouvoir la paix dans de telles circonstances ?

Du conflit à la réconciliation (v 14-35)

La seconde section de notre récit a pour acteurs principaux le serviteur de Nabal, Abigaïl et David.

La réaction de Nabal ne laisse pas son équipe indifférente. Ses serviteurs désapprouvent ses agissements et s’attendent à des représailles de la part de David et de ses troupes. Leur maître ne devrait pas payer en monnaie de singe ceux qui leur ont accordé l’hospitalité lorsqu’ils gardaient les troupeaux au désert (v 15, 16). En homme prudent, qui voit le danger de loin et se cache (tel que l’enseigne Proverbes 22/3, 27/12), ce serviteur aide sa maîtresse à comprendre la situation. Il lui propose de contourner leur maître dont le caractère ne peut faciliter une réconciliation et promouvoir la paix (v 17).

Abigaïl sait l’écouter et décide d’aller du conflit vers la réconciliation. Dans son approche, elle fait preuve de courage, de tact et d’humilité (v 18-20). Sa stratégie pacifique repose sur une équipe en quête de paix (v 19). Elle  affronte le conflit avec un plan pacifique (v 20) tout en gérant les obstacles à la paix (v 19). Sans gêne, elle demande pardon et s’engage à satisfaire les besoins et à apaiser les esprits.

Quelle leçon pouvons-nous tirer de l’attitude et du modèle de cette femme dans la résolution des conflits et dans le processus de réconciliation ?

La réconciliation, voie de la résolution des conflits

Dieu veut que ses enfants n’aient pas part aux conflits mais recherchent plutôt la paix (Ép 4:1-3), à l’instar d’Abigaïl. Elle choisit une voie de réconciliation qui consiste à abandonner l’inimitié et à rétablir la bonne volonté et la communion entre les parties hostiles.

La réconciliation est une urgence pour notre monde. C’est un besoin pour le rétablissement de la communion entre Dieu et l’humanité (Rm 5:8-11 ; 2 Co 5:18-19 ; Col 1:19-22), entre les êtres humains (Ép 2:11-22) et pour le rétablissement de l’harmonie dans toute la création (Rm 8:18-22).

L’espérance de notre réconciliation est enracinée dans l’œuvre du Christ à la croix qui a anéanti la colère et le jugement de Dieu sur l’humanité. La croix du Christ pourvoit à la réconciliation. Par elle, Christ a effacé l’acte qui nous condamnait et a triomphé de l’inimitié et de toutes les barrières culturelles qui nous séparaient (Col 2:14-15).

L’œuvre de la croix nous procure la paix et la justice – non seulement à l’Église, mais au monde entier. Nous sommes appelés non seulement à croire à la paix et à la justice, mais à les appliquer sans distinction et sans discrimination, et à les promouvoir dans le monde entier par la proclamation de la Bonne Nouvelle du salut.

A l’instar du Christ, l’Église doit travailler pour l’amour, la paix et la justice malgré le prix à payer (És 11:1-5 ; 61:1-3 ; Lc 4:13,19). Elle doit démontrer la compassion par sa capacité à voir et à écouter les cris des opprimés et à s’identifier aux causes justes. Dieu seul nous réconcilie avec lui par le sacrifice de Christ sur la croix, le pivot de la réconciliation.

La réconciliation entre les êtres humains est enracinée en Christ qui est la paix du monde (Ép 2:14-17) et la source de l’unité de toute l’humanité (Jn 17:11, 22, 23). En ce qui nous concerne, le processus de la réconciliation passe par la résolution des conflits non seulement au niveau personnel, mais aussi ethnique et tribal, et de l’Église.

La résolution des conflits personnels

La Parole de Dieu nous enseigne que la meilleure façon de résoudre un conflit personnel inclut : la confession devant Dieu de tout péché que nous reconnaissons (1 Jn 1:9-10 ; Ps 139:23-24) ; l’engagement à demander  pardon avec la décision de ne plus refaire la même faute (Ép 4:32 ; Jc 5:16).

Les évangiles nous proposent ce processus :

  • Prier Dieu sincèrement et demander pardon ;
  • Parler seul avec l’intéressé ;
  • Parler seul avec l’intéressé en présence de 2 ou 3 personnes ;
  • Parler avec l’intéressé devant l’église (Mt 18:15-17).

Le désir d’honorer Dieu et d’aimer son prochain est nécessaire pour la résolution des conflits (Ps 34/15). Nous devons toujours demander le secours divin et la sagesse, la maîtrise de soi et la parole appropriée (Pr 16:32 ; Jc 1:5).

En outre, nous devons faire usage des règles de bonne communication : écouter l’autre, dire la vérité, parler de manière juste dans l’amour, exprimer clairement ses idées et avoir des objectifs intègres. Tout ceci pour la gloire de Dieu et le bien de l’autre. L’objectif est de résoudre les problèmes qui ont suscité les conflits. Terminez par un temps de prière et des paroles fraternelles (Jc 3:13-18).

La résolution des conflits ethniques, tribaux et raciaux

Les conflits ethniques, tribaux et raciaux sont souvent la honte de l’Église. Notre silence est une forme de complicité telle qu’aujourd’hui les esprits avisés accusent l’Église d’entretenir ou de participer à ce genre de conflits, comme l’histoire et l’héritage du racisme, la traite des noirs, la shoah contre les juifs, l’apartheid, l’épuration ethnique, la discrimination des populations autochtones, les violences interreligieuses, politiques et ethniques, la souffrance des Palestiniens, l’oppression du système de castes et les génocides tribaux.

Face à cette situation,  nous exhortons les pasteurs et les responsables de paroisse à enseigner la vérité biblique concernant la diversité ethnique, et aussi à reconnaître le péché dans ces ethnies. En Christ, toutes nos identités ethniques sont subordonnées à notre identité de rachetés, acquise à la croix. D’une manière pratique, l’Église doit :

  • Favoriser la guérison et la réconciliation : en cas d’agression, l’auto-défense est permise, mais non le recours à la violence. Comme Jésus qui, lorsqu’il a été agressé, n’a pas utilisé d’arme, l’Église doit emboîter le pas de son maître. Elle doit prendre soin de ses ennemis ainsi que l’illustre la parabole du bon Samaritain, et pratiquer la non-violence comme porte vers la réconciliation.
  • Promouvoir la justice est un moyen efficace de réduire les conflits ethniques et religieux. À cet effet, ’Église doit s’engager à faire face à l’injustice, à l’ethnocentrisme, au racisme et à l’oppression. Elle doit s’engager à la réconciliation et s’identifier avec les opprimés, travailler à la justice en leur nom.
  • Développer des églises inclusives : les paroisses ne peuvent être un lieu de divisions ethniques ou de discrimination raciale, mais un cadre où tous sont invités et intégrés. La sélection des responsables ne doit pas se faire sur des critères qui privilégient une ethnie ou une race au détriment de la spiritualité. Les églises ne devraient pas prendre en compte l’ethnie. Elles sont une entité d’unité dans la diversité où tous les membres sont un en Christ ainsi que l’enseigne Galates 3:28. Elles constituent un nouveau groupe ethnique conscient de la nécessité de protection mutuelle en vue de la sécurité de tous.
  • Avoir des principes chrétiens pour guider leur approche de la politique et de la gestion des choses publiques : les opinions politiques doivent être basées non sur les préjugés ethniques, tribaux ou raciaux mais sur des principes chrétiens. Les chrétiens engagés dans la politique doivent correctement traiter tout le monde sans tenir compte de leurs idéologies politiques et religieuses. Les politiciens doivent éviter le favoritisme ethnique et le fanatisme religieux car ils encouragent souvent la haine.
  • Pratiquer l’amour et le pardon envers les ennemis : prier pour les ennemis est l’un des signes d’obéissance  et de soumission au Seigneur Jésus. Nous devons aimer les autres parce qu’ils sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (Ge 9:6 ; Jc 3:9). Souvent, le pardon n’est pas facile surtout lorsque nous sommes victimes de l’injustice, de la haine et de l’oppression. Mais nous devons obéir à la Parole de Dieu.

La résolution des conflits dans l’Église

La marche vers la réconciliation exige que l’Église observe des principes scripturaires et les défende devant le monde par sa façon de vivre. Elle doit faire preuve de transparence en s’appuyant sur les enseignements bibliques. Elle doit continuer à compter sur le secours de Dieu pour mieux résoudre les conflits.

Elle doit éviter le favoritisme. En tant que prophète, elle doit veiller et s’engager à :

  • rappeler toujours aux siens la volonté de Dieu, ses commandements, ses préceptes et enfin les transmettre au monde ;
  • découvrir la vraie nature des problèmes en son sein et dans le monde en étudiant profondément leurs causes, leur origines, leurs motifs, leurs sources lointaines ou proches tout en proposant les solutions sans parti pris ;
  • rechercher la paix et combattre les politiques d’exclusion et de marginalisation qui sont un péché, et privilégier une politique qui vise la promotion de l’unité et la réconciliation.

La réconciliation de l’homme avec la création

Nous devons prendre soin de la création car la réconciliation inclut aussi la création. La vie humaine et la création sont liées parce que la terre prend soin de nous (Ge 1:29,30) ; la terre souffre avec nous à cause du péché de l’humanité et de ses lourdes conséquences (Os 4:1-3) ; la rédemption de Dieu inclut la création (Ps 96:10-13) ; tout a été réconcilié à la croix (Col 1:15-23) ; et enfin la bonne nouvelle inclut toute la création.

Vu cet état de choses, l’Église en général et les chrétiens en particulier doivent être à l’avant-garde de la protection de la création. Notre quête doit inclure également le désir de vivre sur une planète verte en évitant le gaspillage de l’énergie, en réduisant notre empreinte carbone, en recyclant et en évitant la pollution.

Dans ce même ordre d’idées nous devons soutenir les initiatives politiques et économiques qui protègent l’environnement de toutes formes de destruction. Ainsi, nous devons soutenir ceux parmi nous qui sont appelés et envoyés par Dieu avec la mission spéciale de protéger la création, de faire de la recherche scientifique dans le domaine de l’écologie et de la conservation de la nature.

Conclusion

En somme, la violence a été employée sous différentes formes comme moyen pour résoudre les conflits incessants dans le monde entier. Mais au cours de l’histoire l’expérience prouve que cette voie n’a pas réussi à apporter de solution aux problèmes du monde. La voie de la violence promet la haine, la colère, la vengeance, etc. au lieu de résoudre pacifiquement les conflits.

En effet, la non-violence est la solution ultime aux conflits. Elle est la manière de résoudre les conflits au sein des églises locales.

Christ était non-violent face aux conflits. Il nous offre donc un modèle à adopter dans la résolution des conflits. Adopter un mode non-violent dans le processus de résolution des conflits, tel que nous venons de découvrir dans la vie d’Abigaïl, n’est pas synonyme d’une acceptation passive de toutes les formes d’injustice et d’agression sans se protéger. Cela implique la non-utilisation de la force comme moyen de résoudre le conflit.

L’Église doit résister de manière active aux conflits religieux et ethniques. Et seul l’amour pour l’ennemi et la détermination à ne pas utiliser la force ou la violence peuvent surmonter les conflits et gagner pacifiquement l’ennemi. Ceci est possible par l’élimination des structures d’injustice qui doivent être remplacées par de bonnes structures qui mettent Dieu au centre.

La diversité ethnique est le don et le plan de Dieu dans la création. Elle a été salie et déformée par le péché et l’orgueil humain, qui ont produit la confusion, les querelles, la violence et les guerres entre les nations.

Cependant, cette diversité sera préservée dans la nouvelle création quand des personnes de toutes nations, des toutes tribus, de tous peuples et de toutes langues seront rassemblées parce qu’elles forment le peuple que Dieu a racheté.

À cause de l’Évangile, nous supplions l’Église, corps du Christ, et chaque chrétien à se repentir et à demander pardon chaque fois qu’ils ont participé à la violence, à l’injustice et à l’oppression ethnique.

Aujourd’hui, l’Église doit embrasser la plénitude de la puissance de la réconciliation qui réside dans l’Évangile et l’enseigner, car Christ n’a pas porté nos péchés sur la croix pour nous réconcilier uniquement avec Dieu, mais aussi pour détruire nos inimitiés et nous réconcilier les uns avec les autres.

Adoptons un style de vie de réconciliation en pardonnant à ceux qui nous persécutent tout en ayant le courage de mettre en cause l’injustice qu’ils font subir aux autres. Apportons notre aide et offrons l’hospitalité à ceux de l’autre bord du conflit en prenant l’initiative de franchir les barrières pour chercher la réconciliation. Continuons à rendre témoignage du Christ dans les contextes violents en étant prêts à souffrir, voire même à mourir, plutôt que de participer à des actes de destruction ou de vengeance. Engageons-nous, après le conflit, dans le long processus de guérison des blessures, faisant de l’Église un lieu sûr, de refuge et de guérison pour tous, y compris les anciens ennemis.

Nous devons être un phare et porter l’espoir. Nous devons rendre ce témoignage : « Dieu était en Christ, réconciliant les hommes avec lui-même ». La croix et la résurrection du Christ nous octroient l’autorité pour affronter les puissances démoniaques du mal qui aggravent les conflits humains. 

Nzuzi Mukawa (République démocratique du Congo) a parlé jeudi soir, 23 juillet 2015. Nzuzi est le chef de l'équipe de la Mission MB en Afrique sub-saharienne. Il est professeur de missiologie et pasteur associé d’une paroisse des Frères mennonites de RD Congo.

 

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