« Rien de ce que je fais, je ne le fais par moi-même »

Rebecca Osiro, de Nairobi (Kenya), la nouvelle vice-présidente de la Conférence Mennonite Mondiale, a une vie remplie d'expériences qui ont éprouvé sa foi et enseigné la sagesse.

Rebecca a été la première femme à être ordonnée dans l'Église Mennonite du Kenya (en août 2008), mais son intérêt pour l'église remonte à l’enfance.

Son père était responsable d’une paroisse mennonite, et Rebecca se souvient d’avoir aidé à transporter la nourriture pour des événements communautaires et de l’avoir accompagné quand il rendait visite à des membres de l’assemblée locale ou à des voisins. « La paroisse principale était anglicane, mais la plupart des familles de notre région étaient incapables de payer leur dîme. Alors, quand il y avait un décès dans ces familles, l'église ne voulait pas célébrer les obsèques.

Comme mon père faisait beaucoup de visites pastorales, les familles lui demandaient souvent de présider la cérémonie et l'enterrement. J’aimais l’accompagner, réconforter les gens, chanter et faire du thé bien fort.

La simplicité d’une visite, l'écoute, l’accueil et l’ouverture attiraient les gens dans notre paroisse. Et c’est aussi ce qui m'a attirée. Pendant ma troisième et ma quatrième année d'école secondaire, je passais mes samedi après-midi à faire de l'évangélisation en plein air et à faire connaissance avec tous ceux qui venaient.

La mère de Rebecca a apporté beaucoup de soins à son instruction concernant la Bible et les cantiques de la paroisse. Rebecca ne s’explique toujours pas ce qui lui a valu une telle attention.

« J’étais sa troisième fille, et pas la dernière de ses 10 enfants. Mais elle m'a dit qu'elle m’avait consacrée à Dieu, ‘comme une dîme’ avant ma naissance. Quand j’ai appris à lire, elle m'a donné une Bible. Elle me racontait des histoires bibliques pendant que nous travaillions ensemble, ou elle me suggérait un passage à lire. Puis elle choisissait un cantique correspondant. Elle m'a intégrée dans l'église – ainsi que mes frères et sœurs ».

Rebecca a reçu une éducation solide de ses deux parents, mais quand elle a été prête à se marier, elle a insisté sur son indépendance. « Les mariages arrangés (souvent par une tante) étaient à l'ordre du jour. Mais j’ai choisi mon propre conjoint. Son église et la mienne étaient souvent en concurrence informelle pour le chant et la collecte de fonds ! »

Rebecca et Joash J. Osiro se sont mariés en 1981. Ils ont cinq enfants adultes. Joash est évêque dans l'Église mennonite du Kenya (KMC).

Être ordonnée ou pas ?

Rebecca n'a pas fait de campagne pour être ordonnée. Mais cela faisait longtemps qu’elle se posait la question.

« En grandissant, je me suis rendue compte que certaines femmes étaient fortes. Elles disaient à mon père : ‘Nous avons besoin d'une paroisse’. Alors une paroisse démarrait, et bientôt il fallait trouver un responsable. On cherchait donc un homme. Ils ordonnaient quelqu'un qui n'avait pas de vision - et la nouvelle assemblée périssait !

Quand j’étais à l’école secondaire, j’ai demandé à mon père : « Que dit l'Église mennonite au sujet les femmes pasteures ? »

« Mon père a toujours soutenu l'ordination des femmes et a été le premier évêque du Kenya à ordonner une femme (en 1994), ce qui a créé beaucoup de controverses. Heureusement, il était toujours vivant quand j’ai été ordonnée, à l’âge de 49 ans. Cela a été une grande bénédiction d'avoir son soutien. »

« À un certain moment, j’ai pensé qu’il me fallait peut-être abandonner l'idée d’ordination à cause des remous que cela créait. Je n’en ressentais pas fortement le besoin, mais je savais qu'il était important pour les autres femmes responsables de voir leur autorité reconnue. »

Aujourd'hui, Rebecca est pasteure de l’assemblée locale de Eastleigh à Nairobi. « Nous avons de 40 à 70 participants à nos cultes hebdomadaires dans une salle appartenant à la KMC, que nous pouvons utiliser de 10 h 00 à 14 h 00 le dimanche. La population de notre quartier appartient à la classe moyenne inférieure, de différentes nationalités et en voie d’enrichissement. Il y a une forte majorité de musulmans radicaux.

Les participants sont kenyans, et beaucoup travaillent pour les commerçants locaux qui, souvent, ne leur accordent pas de temps libre pour assister aux cultes. »

La chorale, expression de solidarité

La paroisse de Eastleigh s’était préparée à envoyer les membres de la chorale de la KMC à PA 2015 pour s’y produire. Mais quand seulement cinq membres de la chorale ont obtenu leur visa (y compris Rebecca et son fils, mais pas sa fille), c’était une grande déception.

« Nous nous réunissions dans notre maison pour répéter, parce que nous n'avions pas accès aux locaux de notre église en dehors de nos heures de culte. Les membres venaient directement de leur travail, et certains devaient passer la nuit avec nous parce qu'ils n’avaient pas d'autre endroit où loger.

Lorsque la répétition de la chorale se prolongeait en soirée, certaines femmes de notre paroisse trouvaient leur porte fermée à clé (par leur mari), et ne pouvaient plus rentrer chez elle. Mais elles voulaient continuer à y participer, car le chant était pour elle une manière d’exprimer leur solidarité.

Quand nous avons su que la plupart des visas avaient été refusés, j’ai d’abord pensé que je devrais rester chez moi par solidarité. Mais je me suis rendue compte que je devais saisir cette occasion et y aller. »

Travail pour la paix

Rebecca donne des conférences sur l'islam dans un séminaire jésuite, deux fois par semaine. Elle a une maîtrise en études islamiques de l'Université Saint-Paul du Kenya et a participé aux recherches concernant les Débats sur la Charia, organisés par l'Université de Bayreuth.

Rebecca aide aussi les survivantes de mutilation génitale. « C’est une petite organisation, et nous faisons notre travail pacifiquement. » Comme cette pratique est profondément ancrée dans la tradition, les hommes qui infligent ces mutilations sont souvent mal préparés à l'horreur du mal qu'ils font.

« Lorsque nous rencontrons les agresseurs qui avouent y avoir participé, ils reconnaissent souvent qu'ils ne pourront jamais le faire de nouveau. Nous travaillons tranquillement. Nous voulons participer à leur guérison, donc nous développons des relations. »

« Ma vie est remplie d’échecs ! »

Comment gère t-elle sa vie avec tant de responsabilités ?

« Ma vie est remplie d’échecs ! » dit Rebecca en riant et en levant les mains en l'air. « Un de nos petit-fils vit avec nous, et des membres de la famille élargie logent chez nous pour des durées variables ».

Les responsables de la CMM dans la file d’attente pour déjeuner !

Rebecca a été membre de la Commission Foi et Vie, fonction qu'elle quitte en devenant vice-présidente de la CMM. Elle est convaincue de la valeur et de la nécessité de former un corps mondial.

« Le génie de la CMM est la communion et le réseautage. Nous parlons de notre vécu. Nous nous réunissons et nous découvrons que nous sommes unis.

Nous trouvons la force de dépasser notre classe et notre statut social. La CMM me donne du courage. Je sens que je suis à ma place. Ici, au Rassemblement, quand je vois les responsables de la CMM, des pasteurs et des responsables d’églises dans la file d’attente avec tout le monde pour déjeuner, je suis très touchée. Dans beaucoup d’endroits, ils auraient amené leur repas plutôt que de devoir se mettre dans une file d'attente !

Quand je rentre chez moi et que des femmes vivant dans des maisons de carton, souvent sur des égouts, me font du thé fort (probablement après avoir emprunté de l'argent pour acheter le thé), je suis profondément émue.

Parfois, je me sens faible. Suis-je vraiment sur la bonne voie ? Mais rien de ce que je fais, je ne le fais par moi-même.

Je me souviens que ma mère disait : ‘Aimez vos ennemis’. Je pense que c’est l’œuvre de Dieu en moi. Je ne suis pas parfaite. Je m’irrite souvent.

Mais je découvre qu'avec le temps, les paroles dures qui ont été dites, les oppositions dans l'église qui semblaient importantes, se résolvent – ou au moins ne semblent plus nous diviser. »

Cette femme a beaucoup à apporter à la direction de la CMM.

Phyllis Pellman Good est écrivaine, et écrit pour la CMM.

 

 

 

 

 

 

 

 

Être un ‘responsable serviteur’ signifie attendre son tour pour s’inscrire et pour les repas, ce qui
est une occasion de rencontre avec des amis anciens ou nouveaux. Photo : Jonathan Charles


 

 

 

 

 

 

 

Seuls cinq membres de la Chorale mennonite du Kenya ont pu obtenir un visa pour venir aux États-Unis. Rebecca Osiro est la deuxième à droite. Photo : Ray Dirks

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